Le col, la pluie, la nuit
Arriverais-je à passer le col ?
J’aurais-pu prendre de l’essence avant de quitter la ville.
La pluie, la nuit, lumière sur les flaques.
Les phares du camion espagnol très hauts, très près, si je freine, c’est sûr, il me rentre dedans.
D’autres en face m’éblouissent. Nuages de fines gouttes.
Mon pare-brise est irrisé, distortion des formes.
Les essuie-glaces en mode rapide rythment mon angoisse.
Lumière de la petite église, quitter la nationale, enfin.
Arriverais-je à passer le col ?
D’abord la gorge, le torrent, les petits moulins.
Seule sur la petite route, je peux regarder le ciel blanc à travers les grands sapins noirs.
De la buée sur les vitres ou du brouillard dehors ?
Mon chiffon n’essuie pas la brume.
Pas de limite entre le goudron et l’herbe, le noir de la forêt.
Le voyant d’essence s’allume par intermittences.
Parfois brouillard, parfois mes phares éclairent le sous-bois
Lettres à la peinture blanche, restes de tour de France, dans un halo balayé sur les murs de béton.
Restes de neige.
Arriverais-je à passer le col ?
Ce virage est le dernier.
Le col est dans le brouillard.
Il me reste la forêt, la carrière, le plateau.
Pas un seul animal de la nuit.
Si je cale ici, je peux rentrer à pieds.
Marcher sous la pluie.
22 janvier 2008